« Le point de départ de La Nouvelle Jérusalem a été une remarque d’Einstein. Il se trouve que j’ai lu quelque part qu’Einstein, à qui on demandait s’il croyait en Dieu, répondit : « Je crois au Dieu de Spinoza ». J’avais lu L’Ethique de Spinoza quand j’étais étudiant à Yale, mais la remarque d’Einstein m’interrogeait. Alors je me suis mis à lire des choses sur Spinoza et très vite je me suis rendu compte qu’une journée de la vie du philosophe, le 27 juillet 1656, ferait une pièce de théâtre formidable. Parce que ce jour-là, Baruch Spinoza alors âgé de 24 ans, marchand en raisins secs et groseilles, résidant à Amsterdam, fut convoqué par les sages de sa synagogue pour répondre à des questions concernant sa foi, du fait de rumeurs selon lesquelles il aurait fait état de convictions athées. Il faut savoir que Spinoza était l’étudiant préféré du Grand Rabbin d’Amsterdam et on aimait à penser qu’il lui succèderait. Il n’y a pas de trace de ce qui s’est dit à la synagogue, mais le fait est qu’à la fin de la journée Spinoza fut banni de la communauté juive d’Amsterdam et condamné à l’exil avec la sentence d’excommunication la plus dure de toute l’histoire des juifs séfarades d’Amsterdam : une condamnation pour l’éternité. Ce qui m’intéressa particulièrement, c’était le pacte conclu par ceux qu’on appelait la Nation Portugaise, c’est-à-dire les juifs séfarades, avec les régents de la ville : ils s’étaient fait forts d’imposer l’orthodoxie religieuse à la communauté juive, en échange de la liberté de culte. Un pacte avec le diable, en quelque sorte. Comment tout ceci pouvait-il ne pas être théâtral ? Et donc, je me suis mis à écrire… »